Plateau du Dorthonion

Terre du Milieu.

Au Premier Âge du Monde, sur les hauteurs du Dorthonion, là où les pins se font rares et où la terre nue affleure sous la neige, s'étendait un vaste plateau balayé par les vents du Nord. C'était un royaume de silence et de froid, un lieu que même les oiseaux évitaient lorsque l'hiver posait sur lui son manteau immobile. Sous le ciel pâle, les crêtes s'effaçaient dans une clarté d'argent, et les ombres des nuages glissaient lentement sur la blancheur infinie.

De ce sommet du monde, les Elfes de la garde Nordique contemplaient autrefois la plaine d'Ard-galen, figée sous la glace, et au-delà encore, la lueur rougeoyante du Thangorodrim, où résidait le mal. Mais ici, sur le plateau, rien ne troublait la pureté de l'air sinon le cri lointain d'un faucon ou le craquement du givre. Les sapins rabougris, tordus par le vent, dressaient leurs bras noirs contre l'horizon, comme pour défier la nuit.

Quand tombait le crépuscule, le ciel se teintait d'un vert glacé, et les étoiles d'Elbereth s'allumaient une à une au-dessus des cimes. Alors le plateau semblait respirer ; un souffle vaste et ancien, venu des jours où Arda était jeune et intacte. Et dans ce souffle, les cœurs des Elfes se souvenaient de Valinor, la terre bénie, dont la lumière s'était éteinte pour eux à jamais.

Mais nul ne demeura longtemps sur ces hauteurs. Car à mesure que s'assombrissait le Nord et que s'étendait l'ombre de Morgoth, les neiges du plateau se teintaient d'une lueur livide, et les vents portaient des murmures de désolation. Le Dorthonion devint un désert de glace et de deuil, un seuil entre le monde des vivants et celui des ténèbres.

Pourtant, quand l'hiver tombe encore sur le Beleriand oublié, il se dit que le vent, sur ces hauteurs englouties, chante toujours le nom des seigneurs déchus des Noldor.

Photo : Plateau du Dorthonion, Terre du Milieu.