Hauteurs du Forodwaith

Terre du Milieu.

Au Troisième Âge du Monde, au-delà des Montagnes Grises (Ered Mithrin), plus loin que les royaumes oubliés des Nains et les traces des hommes du Nord, s'étendent les hauteurs du Forodwaith, une contrée de pierre et de glace où nul printemps n'ose s'aventurer. Là, le monde semble suspendu entre ciel et abîme. La neige, épaisse et ancienne, recouvre tout, et le vent, venu du pôle glacé, souffle sans répit sur les montagnes.

Le jour y est bref et sans chaleur. Sous la lumière blafarde du Soleil du Nord, les crêtes luisent d'un éclat d'argent pâle, et la brume monte des vallées comme une mer silencieuse. Les ombres glissent sur les pentes enneigées, et les rochers, noirs et polis, émergent çà et là, pareils à des ossements d'une terre morte depuis longtemps. Le froid y pénètre tout, jusque dans la pierre, et les rivières elles-mêmes ne coulent plus qu'à demi, prisonnières de la glace.

On dit que dans ces montagnes, le vent conserve les voix du passé. Par nuits claires, certains ont cru entendre dans son hurlement le cri des dragons déchus, ou le chant lointain des forges naines d'autrefois. Car c'est dans ces régions que s'élevaient jadis les repaires des grands vers du Nord, et les forteresses perdues des fils de Durin avant qu'ils ne descendent vers Erebor. Les pierres conservent encore la mémoire de leur feu, et parfois, au détour d'un éboulis, une lueur rouge perce sous la glace ; vestige d'une flamme qu'on dit éternelle.

Rares sont ceux qui s'aventurent jusque-là. Les chasseurs du Nord, les Dúnedain égarés, ou les éclaireurs d'Angmar ne franchissent ces hauteurs qu'à grand risque, car les tempêtes y naissent sans avertissement, et la neige recouvre les traces en un instant. La nuit, le ciel s'emplit d'aurores mouvantes, vertes et bleues, qui dansent au-dessus des pics et des plaines gelées. Elles répandent une lumière étrange, qui fait étinceler les congères comme si mille gemmes y avaient été semées.

Sous cette beauté glacée règne un silence ancien, plus profond que celui des tombes. Il semble que nul être vivant ne puisse y demeurer longtemps sans sentir peser sur lui la mémoire du monde d'avant, quand la glace couvrait Arda tout entière. Les Elfes disent que les hauteurs du Forodwaith sont les cicatrices du Premier Âge, restées froides et nues depuis la chute de Morgoth. Et même le vent, disent-ils, ne chante là-haut que pour se souvenir.

Photo : Hauteurs du Forodwaith, Terre du Milieu.