Forêt de Fangorn
Terre du Milieu.
Au Troisième Âge du Monde, au Sud des Montagnes de Brume (Hithaeglir), entre les eaux du Limclair et les pentes d'Isengard, s'étend la forêt de Fangorn, vaste et ancienne comme le monde lui-même. Nulle autre forêt de la Terre du Milieu n'égale sa profondeur ni son âge, car ses racines plongent jusqu'aux jours d'avant la venue du Soleil. Les arbres y croissent serrés, hauts et puissants, leurs troncs couverts de mousse et leurs branches enlacées en une voûte presque impénétrable. La lumière du jour y entre comme un souffle rare, tamisée par des siècles de feuillage, et l'air y porte une odeur de terre et de résine, lourde comme une prière oubliée.
Ceux qui franchissent ses lisières sentent peser sur eux un silence plein de présence. Chaque pas sur le sol couvert de feuilles semble éveiller un écho, comme si la forêt écoutait. Car ici, les arbres ne sont pas de simples plantes : ils veillent, et leur mémoire est longue. Dans le bruissement des branches, dans le craquement des troncs, certains entendent des murmures de voix profondes, lentes et graves, semblables à la parole des pierres ou au tonnerre des montagnes.
C'est là que demeurent encore les Ents, les Gardiens des Arbres, nés du vouloir de Yavanna, gardiens de tout ce qui pousse et respire sans bouger. Le plus ancien d'entre eux est Barbebois, que les Elfes appellent Fangorn, du nom même de la forêt. Sous sa garde, les bois ont résisté au fer et au feu, et leurs ombres n'ont point reculé devant les hommes d'Isengard. Mais la tristesse habite aussi ce lieu, car les Ents ne trouvent plus trace des Ent-femmes, et leur solitude résonne dans les clairières vides.
Au matin, une brume pâle s'élève des vallons, suspendue entre les branches ; les rayons du Soleil s'y brisent en filets d'or et de vert. Au soir, les ombres s'étirent, et la forêt tout entière semble respirer, comme un être endormi qui rêve du printemps. Le vent s'y déplace avec lenteur, glissant entre les troncs comme une main bienveillante, et les ruisseaux murmurent en passant sous les racines tordues. Il y a dans cette forêt une grandeur paisible, mais aussi une force redoutable, celle de la nature qui n'a jamais plié devant la domination des royaumes d'en bas.
Lorsque la Lune se lève sur Fangorn, les cimes s'emplissent d'une lumière d'argent, et les vieux arbres se dressent dans un silence solennel. Alors, il semble que tout le bois s'éveille pour un instant, et que la Terre du Milieu elle-même se souvienne de ce qu'elle fut avant les Hommes, avant même les Elfes : un royaume d'ombre et de vie, gardé par les voix profondes des arbres anciens.