Emyn Muil
Terre du Milieu.
Au Troisième Âge du Monde, à l'Est du grand Anduin, là où les plaines du Gondor s'effacent dans la brume, les Emyn Muil dressent leurs arêtes pierreuses, s'étendant vers les Montagnes de l'Ombre (Ephel Dúath). Ces collines tourmentées ne sont ni tout à fait montagnes ni tout à fait plaines, mais un enchevêtrement de roches brisées, de failles profondes et de pentes couvertes de brouillard. Elles forment les avant-gardes de l'Ephel Dúath, et leur silence pesant semble déjà pressentir la présence de l'Ombre qui règne plus loin à l'est.
Là, le vent souffle en tourbillons imprévisibles, soulevant la poussière grise et les herbes desséchées. Les nuages s'amoncellent, lourds et rapides, traçant sur les collines des ombres mouvantes. Parfois, dans la clarté livide du matin, le ciel s'ouvre un instant, révélant à travers la brume un cercle de lumière pâle, semblable à un œil veillant depuis les hauteurs. Puis la lueur s'éteint, et la nuit semble retomber, même en plein jour.
Les pierres ici sont froides et tailladées, couvertes de lichens argentés. Les sentiers, glissants et incertains, serpentent entre les ravins. Le voyageur y avance lentement, heurtant des blocs épars qui semblent surgir du sol comme des souvenirs d'un cataclysme ancien. Les rares arbres qui subsistent se penchent vers l'ouest, tordus par le vent et par le poids du temps, leurs branches nues comme des doigts cherchant la lumière perdue.
Au loin, par-delà les dernières collines, se dressent les premiers contreforts des Montagnes de l'Ombre. Leur masse sombre émerge des vapeurs, immense et immobile, et le ciel s'y abaisse comme une voûte d'orage. Entre ces terres et les sombres vallées du Mordor s'étend un pays muet, où tout semble attendre. Même l'air y est lourd, chargé d'une inquiétude sans nom.
Pourtant, il demeure dans ces contrées une beauté austère. Lorsque le soleil couchant rougit l'horizon, les brumes se parent de cuivre et d'or, et les pierres se mettent à luire d'une clarté étrange, comme si les montagnes elles-mêmes retenaient la mémoire d'un feu ancien. Mais cette lumière ne dure qu'un instant, avant de s'éteindre dans la nuit.
Alors, sous les cieux agités des Emyn Muil, les contreforts de l'Ephel Dúath se perdent dans les ténèbres. Le vent descend des hauteurs, portant avec lui le souffle froid du Mordor, et les collines se replient dans le silence. On dirait que la terre entière retient son souffle, craignant qu'au-delà de la brume, l'Œil ne s'ouvre de nouveau.