Étang de Lèzeau
Comté, Terre du Milieu.
Au Troisième Âge du Monde, à l'ouest de la Comté, non loin des collines du quartier de l'Ouest et des grands chênes de Woody End, s'étend un petit lac paisible que les Hobbits appellent l'Étang de Lèzeau. Il n'a ni la majesté des grandes rivières, ni la profondeur des anciens lacs des Dúnedain, mais il possède une grâce tranquille, faite de silence et de lumière. Ses eaux, d'un vert clair, reflètent les saules et les noisetiers de ses rives, et dans l'air flotte toujours une odeur douce d'herbe mouillée et de menthe sauvage.
Au matin, la brume s'élève en voiles minces au-dessus de la surface, et les roseaux frémissent sous le vent léger venu de l'ouest. Des libellules y dansent, des grenouilles s'y cachent, et l'on entend, au loin, le clapotis d'une truite bondissant sous la lumière neuve du jour. Les Hobbits aiment y venir au printemps pour pêcher, ou simplement s'y asseoir à l'ombre des aulnes, les pieds dans l'eau, en écoutant les abeilles qui vont et viennent entre les fleurs de trèfle.
Mais c'est à l'automne que l'Étang de Lèzeau révèle toute sa beauté. Alors, les arbres qui l'entourent se teintent de cuivre et d'or, et la lumière du couchant transforme le miroir de l'eau en une nappe d'ambre mouvante. Des feuilles tombent en silence, glissant sur la surface comme des barques légères, et la rumeur du vent se mêle à celle du soir. Dans ces instants, le temps semble s'arrêter : ni passé ni présent, mais une même paix, profonde et fragile, qui unit le monde des Hommes et celui des Elfes dans une même douceur.
Les anciens Hobbits racontent qu'en des temps oubliés, un voyageur elfe s'était reposé là, et qu'il avait chanté sous les saules jusqu'à l'aube. Depuis lors, disent-ils, les nuits d'été, lorsqu'une brise venue du Nord glisse sur les herbes, on peut entendre un écho lointain ; un fil de mélodie presque effacé, mêlé au murmure de l'eau. Et si l'on écoute longtemps, l'Étang de Lèzeau semble répondre, comme s'il se souvenait lui aussi des premiers jours du monde.
Ainsi vit encore, dans ce recoin paisible de la Comté, un reflet de l'Ancien Temps ; non dans les grandes batailles ni les chants des rois, mais dans le simple éclat d'une eau claire où se mire la lumière du soir.