Ruisseau de l'Esgalduin
Doriath, Terre du Milieu.
Au Premier Âge du Monde, sous les ombrages profonds de Doriath, le cœur silencieux du Beleriand, s'écoulait l'Esgalduin, rivière des ombres voilées. Née des eaux claires de la colline de Esgalduin's Fall, où les sources jaillissaient parmi les racines des hêtres gris, elle glissait en de lentes courbes à travers les bois enchantés de Neldoreth et de Region, gardant le secret des lieux sous son manteau de brume bleutée.
Ses eaux, sombres à la lisière des arbres, miroitaient parfois de reflets d'argent lorsque la lumière des étoiles d'Elbereth perçait la voûte feuillue. Dans la nuit éternelle du Premier Âge, avant même le lever du Soleil et de la Lune, l'Esgalduin portait le murmure des choses anciennes, et ceux qui s'aventuraient sur ses rives sentaient la présence du pouvoir de Melian la Maia, Reine de Doriath, dont le Ceinture d'Enchantement protégeait le royaume de Thingol.
Là, sous les ramures où s'épanouissaient les fleurs de l'ombre, le vent lui-même semblait retenir son souffle. Les Elfes gris y chantaient des hymnes à la lumière perdue de Valinor, et leur voix s'unissait au murmure de l'eau. Car l'Esgalduin, dans sa course paisible, séparait les terres sacrées de Menegroth, les Mille Cavernes du monde extérieur, frontière d'argent entre la beauté immobile et le tumulte du dehors.
Quand enfin elle quittait la garde des arbres, l'Esgalduin s'unissait à la Sirion, la grande rivière de l'Ouest, pour porter au loin les souvenirs de Doriath vers la mer lointaine de Balar. Et longtemps après la chute du royaume caché, les eaux de l'Esgalduin chantaient encore sous la Lune, rappelant le parfum des hêtres et la gloire évanouie de Thingol et de Melian.