Lune (Isil)

Au Second Âge du Monde, quand les mers s'étaient élargies et que les ombres de Númenor s'étendaient sur l'Ouest, la Lune se levait encore sur Arda comme un gardien silencieux, messager d'un âge plus pur. Son éclat n'était pas celui d'un feu ardent, mais d'une lumière douce et vivante, née jadis du fruit d'argent de Telperion, l'Arbre Blanc de Valinor, que les Valar avaient béni avant sa mort. Et dans cette clarté tranquille reposait le souvenir du Premier Jour du Monde, avant que le Soleil ne brûle le ciel et que les cœurs des Hommes ne se détournent des Valar.

Le peuple des Elfes l'appelait Isil, et les anciens d'Eressëa disaient qu'il portait sur son front le rayon de Telperion, que nul n'avait revu depuis la fin des Jours Antiques. Sous sa lumière, les mers s'argentaient et les côtes d'Aman s'embrumaient d'une splendeur que les Hommes ne pouvaient contempler sans nostalgie. Car les exilés de Númenor, errant dans leurs navires sur les flots du crépuscule, levaient les yeux vers la Lune, et leur cœur se serrait d'un souvenir qu'ils ne comprenaient plus : celui d'un royaume perdu à jamais.

Dans le ciel d'Arda, la Lune suivait les sentiers du vent, plus lents et plus changeants que ceux du Soleil, car son voyage était gouverné non par le feu, mais par la mémoire. Il allait et venait, parfois pâle comme une ombre sur la mer, parfois éclatant comme une lame d'argent au-dessus des montagnes d'Eriador. Et quand il croisait la lumière d'Anar, sa sœur d'or, leurs lueurs se mêlaient dans le silence des cieux, comme se répondent le deuil et l'espérance.

Ainsi, au long du Deuxième Âge, tandis que les royaumes s'élevaient et tombaient, la Lune demeura le témoin des gloires effacées, miroir du passé, lueur tranquille sur un monde qui s'éloignait peu à peu de la bénédiction des Valar.

Photo : Lune (Isil) vue depuis la Terre du Milieu.