Gorges du Bruinen
Terre du Milieu.
Au Troisième Âge du Monde, avant que le Bruinen ne s'apaise dans les vallées de Fendeval (Rivendell, Imladris), il descend des hauteurs de l'Eriador par des gorges profondes, creusées entre des murailles de pierre et des forêts sombres. Là, les eaux bondissent entre les rocs polis par le temps, éclatant en gerbes d'argent et de lumière. La rivière, rapide et claire, roule son chant à travers le froid et la mousse, et le vent s'y mêle, portant l'odeur de la neige fondue et du pin.
Les berges sont étroites et couvertes de pierres humides, où le gel dessine des motifs de cristal. Sous la lumière pâle du matin, chaque éclat de glace reflète l'or du soleil naissant, et les rochers se parent d'une clarté presque surnaturelle. Les arbres penchent au-dessus du courant, leurs branches encore lourdes de givre, et les ombres qu'ils projettent dans l'eau se mêlent aux reflets mouvants des profondeurs. Ici, la terre semble parler une langue ancienne, celle du vent et de la pierre.
Au plus fort de l'hiver, quand la montagne retient son souffle, le Bruinen ralentit son cours. La surface se couvre de glace claire, mais dessous, l'eau continue de couler, invisible et obstinée. On dirait qu'elle porte en elle une volonté propre, un souvenir des sources secrètes d'où elle vient, au-delà des neiges et des racines profondes des monts. Parfois, dans le silence, on croit entendre son murmure grave, comme une voix gardienne, veillant sur le chemin qui mène à la demeure d'Elrond.
C'est dans ces gorges qu'Elrond fit jadis dresser un enchantement ancien, un sort de protection lié au souffle même de la rivière. Ainsi, nul ennemi ne pouvait franchir ces eaux sans en subir la colère. Car le Bruinen, en ces lieux, n'était pas une simple rivière, mais un gardien vigilant, serviteur du pouvoir elfique, messager des monts et des sources cachées. Et quand la fureur s'éveillait, les flots s'élevaient en tourbillons écumants, emplis de la lumière de la vallée et de la voix du maître de Fendeval.
Dans la paix des jours clairs, les gorges reprennent leur calme. Le bruit de l'eau devient un chant doux, et la lumière danse sur les pierres comme sur des gemmes vivantes. Les voyageurs qui s'arrêtent sur ses rives disent que l'air y semble plus pur qu'ailleurs, comme si la vallée elle-même respirait à travers ces flots. Car ici commence le royaume caché d'Elrond, et dans le murmure du Bruinen résonne déjà la promesse du repos et de la sagesse.