Corbeau Roäc fils de Carc

Terre du Milieu.

Au Troisième Âge du Monde, parmi les vents glacés qui tourbillonnent autour de la Montagne Solitaire, il vivait encore, dans les jours du Troisième Âge, un antique corbeau nommé Roäc, fils de Carc, seigneur des oiseaux noirs du Nord. Il était grand parmi les siens, et ses ailes portaient les marques du temps : les plumes, veinées d'argent, luisaient faiblement au Soleil d'hiver, et ses yeux, d'un brun profond, reflétaient la sagesse des âges anciens.

Nul ne savait son véritable âge, mais il disait avoir vu les jours où Thror, père de Thrain, régnait encore sur Erebor avant l'arrivée du Dragon. Depuis lors, Roäc avait volé au-dessus de terres changées, voyant les royaumes s'élever et tomber, et les générations des Nains se succéder comme les feuilles d'automne. Sa voix, grave et rocailleuse, portait la mélancolie de ces siècles : lorsqu'il parlait, c'était comme si la montagne elle-même parlait à travers lui.

Les corbeaux de sa lignée avaient autrefois servi les Nains de Durin, messagers et gardiens des hauteurs. Ils connaissaient les vents du Nord, les rumeurs de la plaine et les secrets du ciel. Mais à la venue de Smaug, la peur et le silence s'étaient abattus sur les montagnes, et les oiseaux s'étaient tus. Roäc seul demeura, veillant depuis les cimes du Ravenhill, fidèle à la mémoire de son peuple et à l'ancienne alliance.

Quand enfin le Dragon périt et que Thorin fils de Thrain reprit le chemin d'Erebor, Roäc descendit de sa hauteur. Ses ailes battirent lourdement dans l'air froid, et sa voix résonna comme un cri venu d'un autre âge. Il parla alors des choses qu'il avait vues ; des Hommes qui s'étaient rassemblés dans les vallées, des Elfes qui descendaient du bois, et du vent qui sentait la guerre. Car Roäc ne chantait point pour la gloire ni la vengeance : il voyait plus loin que les flammes du moment. Ses paroles étaient lentes et pesées, semblables à celles des rois sages des temps anciens.

Quand la bataille fut passée et qu'Erebor retrouva sa paix, on dit que Roäc revint à son nid, sur le flanc du Ravenhill, d'où il contemplait la vallée. Il y demeura encore de longues années, parlant rarement, observant les saisons glisser sur la pierre. Et lorsque vint sa dernière heure, nul ne le vit mourir : un matin, les corbeaux s'élevèrent en cercle dans le ciel, et leur cri roula sur les monts comme un écho funèbre. Dès lors, les Nains disent que l'esprit de Roäc plane toujours au-dessus d'Erebor, gardien ailé de la mémoire des rois déchus et des promesses tenues.

Photo : Corbeau Roäc fils de Carc — Terre du Milieu.