Affluent du Bruinen
Terre du Milieu.
Au Troisième Âge du Monde, dans les replis secrets des Montagnes de Brume, bien au-dessus des chemins connus des Hommes, coulait un petit affluent du Bruinen, dont les Elfes disaient qu'il naissait sous les neiges éternelles. On l'appelait le Gwennir, le « Ruisseau pâle », car en hiver ses eaux prenaient la teinte du ciel glacé, et son murmure se faisait plus lent, comme si le froid suspendait son souffle.
Sous les pins alourdis de givre, le courant serpentait entre des roches couvertes de glace, et ses rives, tapissées de mousse durcie, semblaient dormir dans un silence irréel. Par endroits, la surface de l'eau se figeait en minces plaques de cristal, où la lumière du matin se brisait en éclats d'or et d'argent. Entre ces miroirs gelés, le ruisseau persistait pourtant à vivre : une eau claire, mince comme un fil de verre, glissant obstinément sous la prison de glace, rappelant que la force du monde ne s'éteint jamais tout à fait.
Les Elfes de Rivendell disaient que, même aux jours les plus froids, on pouvait entendre dans le lit du Gwennir un son profond, non pas un grondement, mais une musique lointaine, semblable à une voix ensevelie. Ils affirmaient que ce murmure provenait du Bruinen lui-même, dont l'esprit veillait sur ses eaux tributaires comme un seigneur ancien veille sur ses enfants endormis.
À la tombée du soir, quand les ombres descendaient des montagnes et que les étoiles se levaient une à une au-dessus des neiges, le ruisseau reflétait les premiers feux du ciel. Alors la glace semblait se teinter d'un bleu vivant, et l'on eût dit que les eaux chantaient encore, même sous la nuit. Et dans ce chant discret, les voyageurs percevaient parfois la paix étrange de ces vallées : la mémoire des temps où les eaux, libres et lumineuses, couraient vers la mer sous les regards des Elfes immortels.